Depuis une douzaine d'années, nourrie, guidée et inspirée par de nombreux auteurs, philosophes comme psychothérapeutes, psychiatres existentiels, je m'attelle à observer ce qui est toujours fondamental, "valable", utile dans leurs réflexions, et à repérer les faits & caractéristiques de l'Existence humaine contemporaine : la nouveauté radicale de certains paramètres rend indispensable de mettre nos représentations à jour, de les "actualiser", de nous interroger sur les types de souffrance psychique qui peuvent éclore, pour pouvoir offrir un style de psychothérapie "en phase"
Les difficultés liées à l'histoire des premiers liens de la petite personne (blessures, manques) peuvent entraîner des inhibitions, insatisfactions : ne pas arriver à se signifier, à se sentir consistant(e), à énoncer une opinion même si l'on sait qu'elle est pertinente, ne pas signifier un désaccord...
Il peut également exister des problématiques relatives à l'identité : choisir, décider, trouver sa voie, sont des actes impossibles tant que l'on ne perçoit pas clairement "qui on est", quels sont nos désirs, nos aspirations personnelles...On peut alors explorer comment ce "flou" s'est installé, vers quel âge, quelle a pu être sa fonction auto-protectrice à l'époque et qui est petit à petit devenue un empêchement à être et à se signifier, installant un mal-être chez l'adulte.
Une souffrance existentielle de ce registre serait le sentiment de "non-être", intime, difficilement communicable, mais qui sape la spontanéité, la joie de vivre et l'élan vital.
Dans ce registre de la difficulté d'être qui on est vraiment, les expériences de honte et d'humiliation jouent un rôle néfaste important, elles peuvent avoir été aiguës ou chroniques, et entraîner un très fort besoin d'auto-protection du soi, qui se "cache"...tout en infligeant un vécu de dévalorisation chez l'enfant et/ou l'adolescent(e) ; l'adulte vient en thérapie pour se libérer des conséquences mortifères de ces traumatismes relationnels.
Bien sûr, nous sommes "au-monde", dans les réalités géographiques, historiques, sociales, culturelles, politiques, qui nous entourent. Mais notre "réalité psychique" peut nous faire sentir "coupés", ou "étrangers", ou captifs d'une sorte "d'éxil intérieur" tout en menant une vie qui semble ancrée dans l'environnement concrêt.
A explorer au cours des dialogues en psychothérapie.
Il s'agit là du besoin humain fondamental d'échanger, d'avoir une ou plusieurs "appartenances", de participer avec d'autres : club sportif, association, syndicat, jardin partagé, orchestre etc... être connu et reconnu, avoir une place, des projets en commun, construits avec les autres, reconnaître les talents mutuels, la complémentarité, la solidarité, le plaisir vécu ensemble
Il y a beaucoup de personnes qui imaginent que ça leur ferait du bien, mais qui évitent... se privant ainsi de manière frustrante et cruelle : il est important d'inviter ces personnes à une exploration de leur "narration", qui justifie cette privation. Les sources peuvent être lointaines dans le temps, voire non conscientes : à mettre au travail en thérapie, patiemment.
Souvent, la question existentielle du "devenir" est éludée et masquée par l'adaptation aux normes sociales : à tel âge, je dois avoir trouvé un job stable, être en couple, puis fonder une famille ("tout ceux de la même classe d'âge le font").... réduisant le sujet à un personnage statistique normé.
Là se pose la question du degré de liberté, de libre-arbitre qu'une personne s'accorde, en fonction de ses conditionnements, de l'influence du milieu où elle évolue, des messages transmis par les générations précédentes, conscients ou non, parfois paradoxaux.
Se pose aussi la question de l'accès de la personne à ce qui a du sens, de la valeur pour elle, et du droit qu'elle s'accorde ou pas à désirer ce qu'elle désire, et à l'accomplir.
Dans le dialogue thérapeutique qui s'engage, tout en traitant les blessures et les systèmes de défense complexes qu'elles ont engendrés, nous ne perdons jamais de vue ces facultés et besoins typiquement humains, existentiels, et nous invitons chaque personne à les reconnaître comme essentiels dans son existence, à les "saisir", à les mettre en œuvre à sa façon, selon sa sensibilité, dans sa vie dans son devenir :